Sans l'avoir recherché, elle fait bientôt la connaissance d'un jeune homme qu'elle se plaît à revoir sans accorder à ces rencontres une réelle importance. La désinvolture et la gentillesse pleine de rouerie de ce garçon séduisant et sans attache l'ont seulement aidée, pendant quelques heures,à supporter son isolement et à oublier un peu ses problèmes personnels.

Mais, au plaisir du flirt, va succéder, peu à peu, un sentiment moins léger. Quelques jours ont suffi à Isabelle pour deviner que le brio et l'apparent cynisme d'Eric Gedser cachent une sensibilité exceptionnelle et une amertume un peu inquiétante. Et quand le jeune homme, avec un élan dont elle doute encore qu'il soit sincère, déclare brusquement être épris d'Isabelle, celle-ci est affolée: en un instant, elle prend conscience de sa conduite imprudente.

Et, lorsqu'elle veut se ressaisir, il est trop tard: elle a envoûté Eric et, d'autre part, la fascination obscure qu'elle subissait s'est muée en un amour profond et sans espoir. En effet, Isabelle, en dépit de son exil, n'a jamais songé à se séparer définitivement de son mari.

Nature scrupuleuse, elle estime qu'elle n'en a pas le droit. De ce débat intérieur, Eric, dont l'intuition est vive, a toujours eu le pressentiment: il sait très bien, dans le fond, qu' Isabelle ne sera jamais à lui. De là une hostilité sourde qui va créer très rapidement,entre les deux amants, une tension insupportable. Isabelle est la première femme qu'Eric ait vraiment aimé et il souffre de voir celle à qui il est prêt à tout sacrifier le repousser au nom de convictions absurdes et quelque peu monstrueuses pour cet esprit libre. Il finira cependant par comprendre ce qu'il n'admet pas.

Isabelle et Eric, après s'être profondément déchirés, se quitteront. Décision terrible, certes, mais qui n'aura peut-être pas été inutile: Eric, pour la première fois de sa vie, a souffert; et Isabelle, pour la première fois elle aussi, a été aimée pour ce qu'elle est.