Christine Darnay, Pierre Serval, George Arnold, Paul Libens
synopsis
Lorsque Morrill, convalescent, débarqua de Suède chez les Romain, qui l'accueillaient pour un temps indéterminé, il fut heureux de trouver Alexandre tel que le lui avait décrit son père, qui avait été son professeur. Depuis ce temps éloigné, Alexandre Romain était devenu un auteur dramatique très côté. Françoise, sa séduisante épouse, était plus jeune que lui et, pour Morrill, elle aurait pu être une grande soeur.
Les Romain lui firent donc fête. Il est vrai que la présence de Morrill créait diversion dans leur existence menacée d'un drame qu'ils croyaient ainsi conjurer et que la présence de cet invité allait au contraire cristalliser, précipiter.
Profondément marquée par son mari, Françoise se servit de Morrill, inconsciemment tout d'abord, pour braver cette influence, par réaction contre la personnalité que lui imposait l'esprit dominateur d'Alexandre. Morrill allait devenir l'instrument de la réaction de Françoise que lui dictait, à chaque minute de leur vie, ce mari férocement et maladroitement intellectuel. Elle avait beaucoup d'amour pour Alexandre mais peut-être leur lien le plus fort était-il purement cérébral.
Un soir, Morrill fut l'amant de Françoise. Effrayé par cette trahison envers son hôte - sentiment aggravé en Morrill par le caractère de sa jeunesse inexpérimentée - il alla se réfugier dans une auberge isolée, à quelques kilomètres de là.
Françoise ne savait plus si son amour pour Alexandre était toujours aussi fort. Obéissant malgré elle à ce qu'il lui avait appris, elle se contraignit de nouveau à une attitude. Elle ne savait clairement qu'une chose : elle n'était pas amoureuse de Morrill et elle avait peur.
Ce fut elle qui alla rechercher Morrill à l'auberge et le fit revenir à la maison. Pour l'y amener, Alexandre avait exercé sur elle une pression insidieuse. Il avait depuis longtemps pardonné à Morrill et souhaitait ardemment son retour. Craignant que Françoise idéalisât cette aventure et se détachât de lui, il voulait lui prouver par l'expérience que la présence quotidienne de Morrill ne pouvait la troubler sérieusement.
Et Morrill revint. Cette fois, il était bien prisonnier du Cercle Romain, de ses façons de se comporter, de parler, de penser.
Au soir même du départ de ce dernier, Morrill avait annoncé à Françoise son intention de rentrer chez lui. Il était tombé amoureux d'une jeune fille qui le repoussait.
Devant cette décision de Morrill, Françoise s'affola et le retint. Parce qu'il lui paraissait qu'Alexandre allait se détacher d'elle et que la présence de leur invité évitait le naufrage de leur union, elle s'accrocha à Morrill.
De Londres, Alexandre revint porteur de mauvaises nouvelles. Il avait essuyé là le premier échec grave de sa carrière. Et voilà qui, de manière inattendue mais naturelle, réunissait le couple. Morrill se trouvait dans l'ombre. Il pouvait partir maintenant.
Mais les complications de pensée propres aux Romain ne permettaient pas un dénouement aussi facile. Profondément blessé à son tour, Morrill fit une dernière tentative de rapprochement avec la jeune fille dont il était amoureux.
Rejeté de part et d'autre, il voulut alors arracher de son souvenir même ce cercle qui l'avait emprisonné. Peut-être aussi voulut il blesser à son tour, faire du mal comme on lui en avait fait.
Et au moment, où tout allait peut-être s'arranger pour Françoise et Alexandre, l'explication sincère et orageuse que Morrill eut avec lui précipita le drame qui, depuis longtemps, guettait ce couple.
Le drame de notre époque n'est autre que la solitude peuplée. Ce film raconte l'histoire d'une solitude à trois par la faute d'un "intellectuel", c'est-à-dire de la victime d'une des formes contagieuses de l'égoïsme. Les personnages ont même cet air terrible de vivre à côté de leurs corps, d'ignorer qu'ils existent.
(sé) Jean COCTEAU
+ 1962
L'auteur porte, avec amour, l'étrange nom de Haine.
J.